Des architectures à la fois familières et déroutantes. Des décors qui évoquent un Metropolis intemporel.

 

Les photomontages de Philippe Calandre lancent des ponts entre imaginaire et réel, entre passé et présent.

 

Il fallait oser !  Photographier frontalement des structures industrielles désertées quand les Becher en ont fait leur signature depuis les années 50… S’il admet l’héritage incontournable du couple allemand, Philippe Calandre, né en 1964, a réussi à s’en émanciper en abolissant la prise de vue, c’est-à-dire en abolissant le sujet. Certes il photographie des bâtiments, mais dans le but d’alimenter une banque de données dans laquelle il puise pour recomposer des images, sur son ordinateur. Cette méthode lui permet de combiner à la fois sa fidélité à l’argentique et la nécessité du numérique.

 

« je suis issu de cette génération qui a appris à travailler avec un agrandisseur et des négatifs, déclare t’il. Je reste très attaché à la chimie et aux grains, mais dans ce temps où tout le monde désormais fait de la photo, avec plus ou moins de créativité, il était vital que je me renouvelle, que j’explore de nouvelles directions. » Philippe Calandre a donc choisi, dans le cocon de son atelier, de recréer des images qui n’existent pas, « de reconstituer de vraies fausses images » ni tout à fait réelles ni tout à fait imaginaires. Elles constituent des séries intitulées «  Meta Locus », « Isola Nova » ou « Kepler 452B » que présente la Galerie d’Olivia et Vincent Goutal – inaugurée en juin dernier au cœur d’Aix-en-Provence – sous le titre « UTOPIA ». Or, les Utopies de Philippe Calandre doivent moins au célèbre essai politico-philosophique de Thomas More, « humaniste » de la Renaissance, qu’à « une envie d’imaginer un monde dans lequel le citoyen jouirait d’une totale liberté ».

 

À l’instar des ses photomontages dans lesquels il s’autorise à mêler  toutes les époques et toutes les architectures. Résultat : le campanile historique de la place Saint-Marc de Venise surplombe une délicate verrière encadrée de deux édifices en béton. Hérissées de cheminées d’usines et vidées de toute présence humaine, ses Utopies ressemblent davantage à un décor de science-fiction qu’à un paradis terrestre. Et pourtant, elles fascinent par leur intemporalité, leur étrangeté et leur subtile rigueur.

 

Sabrina Silamo novembre 2017 pour IDEAT spécial Architecture

 

http://www.galerie-goutal.com