Isola Nova

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«Aucune carte du monde n’est digne d’un regard si le pays de l’utopie n’y figure pas»
– Oscar Wilde

A la suite de l’exposition «Fiction Factories» en 2012 à la Galerie Esther Woerdehoff dans laquelle Philippe Calandre élabore « en images » des usines fictives, Jean-Michel Wilmotte propose à l’artiste de créer une nouvelle série pour sa galerie Vénitienne.
Après plusieurs voyages à Venise, Philippe Calandre imagine une série d’îles nouvelles, habitées de grandes structures industrielles mêlées à des fragments d’architecture traditionnelle vénitienne. Iles-édifices fantasmées, flottantes entre des clins d’œil à une rassurante iconographie d’époque classique et d’inquiétantes constructions chimériques en devenir de multiplication.
Ces compositions photographiques entre document et collage sont exposées à la Fondacio degli Angeli à Venise du 17 décembre 2013 au 15 Mars 2014.

Cette Venise onirique résulte d’une imbrication d’images de la ville historique de Venise, la «vieille ville» et à la Venise appartenant à la «limite de la lagune», celle de la périphérie et de la zone industrielle de Porto Marghera .

On y reconnaitra les architectures fastueuses du passé, les plus connues,et celles liées en particulier au passé industriel de Venise, surtout l’île de la Giudecca, dans la seconde moitié des XIXe et XXe siècles.
Ces visions nous renvoient à des précédents dans l’architecture, Aldo Rossi avec ses dessins pour la ville et pour le théâtre La Fenice, ou encore Bernard Huet avec son inoubliable couverture collage de la ville pour le magazine «L’Architecture d’aujourd’hui » en 1980.
La Venise utopique de Philippe Calandre nous fait voyager entre les îles de la lagune, entre les couleurs d’une Venise imaginaire, une reconstruction qui nie la destruction progressive des formes dans l’eau.

Ses images sont une énigme, un sentiment d’atemporalité oscillant entre irrationnel et formel émanent de ces lieux.
Venise est énigmatique et selon les mots de Maria Zambrano (cfr. “Dire Luce”, a cura di Carmen del Valle, ed Bur Rizzoli 2013)
– «peu importe ce qu’il se passe à Venise, quelque soit la confusion, l’anomalie ou le talent, tout entre immédiatement dans l’ordre, tout est assimilé, il n’y a pas d’avant et pas d’après, il y a un TOUJOURS qui recueille tout.»

C’est ce que l’on ressent dans les œuvres de Calandre, qui donnent de la lumière et de la couleur à la ville, comme dans une filiation à la fois avec la grande tradition picturale des Écoles de peinture vénitiennes et des vues pittoresques, les « vedutes » colorées sur le verre pour les voyageurs de passage.

Enfin, le travail de Philippe Calandre est une œuvre photographique et picturale ouverte sur le futur proche de Venise et sa périphérie.

Corinne Peuchet « historienne de l’Art »