Exposition collective
Du 14 mai au 01 juin 2025.
Vernissage le jeudi 15 mai 2025,
de 18h à 22h
Dans un monde saturé par la vitesse, les sollicitations permanentes et les exigences sociales, la cabane s’impose comme un symbole puissant : non pas celui d’une fuite, mais d’un repli choisi, d’un retour à l’essentiel. Elle devient un espace liminaire, situé à la frontière entre le dedans et le dehors — un abri rudimentaire où l’être humain se retire non pour disparaître, mais pour mieux se retrouver. Par sa structure simple et dépouillée, la cabane rompt avec le confort standardisé de la modernité. Construite avec peu — bois, matériaux récupérés, éléments naturels — elle s’élève souvent au coeur de la nature, dans un isolement volontaire. Cet éloignement géographique traduit aussi une mise à distance symbolique des conventions, des apparences, des injonctions sociales. Elle offre un silence que les villes ont oublié, un temps lent, rythmé par la lumière du jour, le bruit du vent, le cycle des saisons. Dans cette sobriété assumée, elle devient le cadre d’une expérience intérieure profonde. Les cabanes de Muriel Patarroni et Rodolphe Baudouin, faites de bric et de broc, de bois usé, de tôles rouillées et de cordes pendantes, incarnent cette esthétique du délaissé et du fragile. Leur désordre apparent semble les suspendre au monde, comme détachées de toute attache solide au sol. Ce sont des abris aériens, presque flottants, des refuges en marge du réel. Elles disent un retrait, non pas fermé, mais ouvert à un autre type de présence. Amélie Labourdette prolonge cette idée dans ses photographies où la cabane devient un seuil vers la nature. Les cinq fenêtres qu’elle propose ouvrent sur des enchevêtrements de racines et de branches, baignés dans une lumière dramatique et sombre. Cette plongée dans les profondeurs de la terre évoque un monde archaïque, protecteur, presque matriciel. L’obscurité y est autant cachette que réceptacle, lieu d’acceptation d’une solitude intérieure féconde. Les cabanes multi-matériaux de Muriel Patarroni et Rodolphe Baudouin incarnent une esthétique de l’éphémère et du fragile… C’est là toute la puissance métaphorique de la cabane : elle incarne l’intériorité, ce lieu intime trop souvent négligé. Elle offre une enveloppe physique au travail psychique ou spirituel, comme si le retrait du corps dans un espace confiné ouvrait une voie vers l’exploration de soi. La cabane n’est pas une clôture, mais une chambre d’échos où les pensées prennent forme, se clarifient. Chez David Guez, la cabane devient humaine : un cercle de bras tendus vers le ciel, vu du sol, cerclé de couvertures de survie argentées. L’ouverture centrale laisse apparaître un arbre nu et un ciel bleu clair. Ce geste collectif, solidaire, fait du corps humain un refuge face à la vulnérabilité. Les mains levées évoquent l’entraide, l’espoir, un lien entre le ciel et la nature, entre l’individu et la communauté. La cabane géométrique et flottante de Philippe Calandre contraste fortement avec celles de Muriel Patarroni et Rodolphe Baudouin. Fait de blocs cubiques répétés à l’infini, cet espace semble inhumain, presque carcéral. Aucune ouverture, aucune végétation, aucune lumière ne vient perturber sa clôture mentale. Une petite échelle suspendue au centre paraît dérisoire face à l’immensité du système, renforçant l’idée d’un enfermement systémique. Ici, la cabane ne protège plus, elle isole. Elle devient un espace mental pur, abstrait, hermétique au monde. C’est tout l’inverse de la cabane photographiée par Sandra Matamoros, qu’elle met en dialogue avec un ciel étoilé. Cette juxtaposition visuelle produit une tension poétique saisissante : entre l’abri et l’échappée, entre la sécurité du repli et le vertige du cosmos. La cabane regarde les étoiles comme un être humain contemple son désir d’évasion. Elle est le point de départ d’un mouvement intérieur vers l’infini. Le regard passe de l’intérieur au ciel, de la matière
Muriel Patarroni